Un été à Bagnolet

J’habite à Bagnolet, depuis quelques années et j’ai eu envie de réaliser un travail photographique sur ma ville.
Bagnolet est une ville populaire de Seine St Denis au relief très marqué et aux limites tortueuses.
L’urbanisation semble être en permanente restructuration. L’habitat, reparti entre logements sociaux et petites maisons individuelles, crée des paysages urbains cubiques étonnants.
Nombreux sont les espaces inoccupés, les terrains vagues, les travaux interminables qui fabriquent des territoires flottants en devenir.
Il règne dans cette ville une atmosphère particulière où la vétusté de certains immeubles semble exprimer tout à la fois tristesse et poésie.
Les vies qui s’y déploient sont elles aussi habitées par l’étrangeté des lieux.

Je me suis intéressée à la saison estivale. Nombreux sont les habitants qui ne partent pas en vacances.
Ils investissent les espaces publics mis à leur disposition, créent des territoires du plaisir et du jeu où leur soif de liberté et de découverte transforme ces lieux en espaces des possibles.
Ainsi le quartier du plateau, au dessus de l’autoroute en recouvre le tumulte par les cris des jeux de ballons, les esplanades des nombreuses cités offrent leurs espaces vides et comme abandonnés aux territoires des jeux de piste et de séduction des adolescents, les espaces verts accueillent la nonchalance et l’oisiveté, les travaux de construction sont à l’arrêt, le centre ville est déserté, le skate parc galvanise les filles et les garçons venus s’y mesurer, les tours Mercuriales à l’allure américaine annoncent l’orage imminent.
J’ai photographié ces paysages intermédiaires et les habitants qui y laissent filer les heures. C’est avant tout la jeunesse qui investit les lieux, gorgée de la force d’être libérée des contraintes habituelles.
L’été fait oublier un instant les difficultés sociales et l’âpreté des conditions de vie.
La politique de la ville fait place à la poétique de leur ville.
J’ai voulu leur rendre hommage en les invitant à prendre place dans ce récit photographique. Ils ont accepté de sortir de leurs jeux pour poser un instant face à l’objectif et s’introduire ainsi dans l’espace immémorial du temps photographique.

Aglaé Bory